Paire disparue

DAKAR, 17 janvier 2021 – « La dernière fois que vous voyez quelqu’un sans savoir que ce sera la dernière fois. Et tout ce que vous savez maintenant, si seulement vous l’aviez su alors ? Mais vous ne saviez pas, et maintenant il est trop tard. Et vous vous dites ‘Comment aurais-je pu savoir, je ne pouvais pas savoir’. »

(Photo : Coumba Sylla)

Ces mots sont de Joyce Carol Oates, en exergue à son bouleversant livre « Mère disparue » (Editions Philippe Rey, 2007, pour la traduction française). Livre écrit « en souvenir de Carolina Oates (1916-2003) ». Sa mère.

Cela fait un an aujourd’hui que ma mère sénégalaise Yaye Fatou est partie…

Fatou Camara, épouse de Kader Diop.

(Photo et texte : Kader Diop et famille)
(Photo et texte : Kader Diop et famille)

Yaye Fatou est la mère de Lamine Eric, Adama, Kiné Fatim et Marie Charlotte Diop.

La mienne aussi. Mais pas exclusivement la nôtre.

Elle a accueilli et élevé beaucoup d’enfants, d’ici, de là-bas, de bien plus loin encore. Et par élevé, je n’entends pas « ayant séjourné sous son toit de leur tendre enfance jusqu’à ce qu’ils volent de leurs propres ailes », non. Élevé, par ses soins, son attention, son empathie, sa générosité constante…

Il y a une chose que j’aime bien, ici. Vous allez dans une famille. Vous entendez un membre de la fratrie parti quérir un autre, « même mère, même père », lui dire : « Wuyul sama yaye » (« Réponds à ma maman/mère »). Pas « notre maman/mère (sunu yaye) », mais « ma mère ».

Alors, je le clame : Yaye Fatou, MA mère.

Yaye Fatou nous manque, à tant de gens et à moi, de la terre au ciel. « Et la route est longue, de la terre au ciel », ainsi que l’a dit poétiquement William Chambers Morrow. Il l’a écrit en évoquant le chagrin pesant sur une mère devant la tombe de sa fille, « la plus douce, la plus triste, la plus profonde, la plus tendre de toutes les afflictions humaines – la seule que le temps jamais ne peut guérir » dans « La résurrection de la petite Wang-Tai » (dans « Le singe, l’idiot et autres gens », Editions de la Revue blanche, 1901, pour la traduction française. Ce livre est aujourd’hui dans le domaine public).

Yaye Fatou indissociable de Pa’Kader. Cheikh Abdoul Kader Diop. MON père, journaliste émérite, à qui j’ai été présentée en 2001 ici, à Dakar, par Annie Thomas, alors directrice du bureau régional de l’Agence France-Presse (AFP).

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

La mort a essayé de séparer le couple Diop. Dans son bras-de-fer avec Pa’ Kader, elle a tenu six mois : Pa’ Kader a rejoint Yaye Fatou au ciel en juillet 2020.

(Photo et texte : famille Diop)
(Photo et texte : famille Diop)

Cette année 2020 sans Yaye Fatou, puis sans Pa’ Kader a été un charivari d’émotions. Chagrin et bonheur, tristesses et joies, douleur et félicité, émerveillement et lassitude. Décès, naissances, décès, déchirements. Covid-19, mesures de prévention et distanciation physique. Couvre-feu, confinement (volontaire ou imposé), état d’urgence et tutti quanti.

Au Mali, quand survient un décès, on glisse « Ala [Allah] ka limaniya di » dans la litanie de voeux formulés pour les condoléances aux proches de la personne disparue.

Limaniya, c’est la foi, la confiance en Dieu, en la force qu’Il donne pour surmonter l’épreuve de la perte. « Ala ka limaniya di », « Que Dieu vous donne la foi et vous permette, durant votre deuil, de ne pas perdre pied ».

A me voir évoquer (je dis : évoquer, pas ressasser) chacune et chacun de tous ceux au sujet de qui je ne peux plus dire : « Tiens, je vais l’appeler », « Je vais passer la/le voir à l’improviste », « Je verrai avec elle/lui », « Il/elle va se tordre de rire, en entendant cela », on pourrait croire que n’ma limaniya (« que je n’ai pas la foi »).

N’limaniyalen do, nka limaniya kɔrɔ tɛ ka ɲina, wa limaniya tɛ ɲɛnafin bali.

(« J’ai la foi, mais avoir la foi ne signifie pas oublier, et puis avoir la foi n’empêche pas d’éprouver de la nostalgie. »)

(Collage d'images publiées par la famille Diop.)
(Collage d’images publiées par la famille Diop.)

Yaye Fatou et Pa’ Kader me manquent. Mais je rends grâce au Ciel et à Celui qui donne et reprend, de nous avoir permis de vivre de beaux et forts moments que je peux revisiter dans mes souvenirs, quand l’étau de l’absence m’étreint le coeur. Et d’en figer certains sur des photos, prises toujours dans la bonne humeur, sur fond d’éclats de rires et de taquineries.

Comme ici, le 17 janvier 2018, pour le 75e anniversaire de Pa’ Kader :

(Photo : Coumba Sylla)

Ou ici, pour son 76e anniversaire, le 17 janvier 2019 :

(Photo : Kiné Fatim Diop pour Coumba Sylla)
(Photo : pour Coumba Sylla)

Et le 12 septembre 2016, jour de Tabaski :

(Photo : Kiné Fatim Diop pour Coumba Sylla)
(Photo : pour Coumba Sylla)

Et sans occasion particulière, comme le 12 juillet 2015 :

(Photo : pour Coumba Sylla)
(Photo : pour Coumba Sylla)

Yaye Fatou et Pa’ Kader, nous vous aimons de la terre au ciel. Aller-retour.

Coumba Sylla

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