Lectures du vendredi 1er juin 2018 : Mohamed Mbougar Sarr, Dino Buzzati

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EXTRAITS

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(Photo : Coumba Sylla)

L’attente in(dé)finie

« La balance de leur destin ne frémissait pas. Son aiguille indiquait toujours le zéro, le néant. (…) C’était déjà assez triste comme ça. Ils attendaient. Dieu seul savait quoi. Godot. Les Barbares. Les Tartares. Les Syrtes. Le vote des bêtes sauvages. Dieu seul savait qui. »

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(Photo : Coumba Sylla)

(Mohamed Mbougar Sarr, « De purs hommes »)

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Et « paf, une chute dans la bêtise » !

« La plupart du temps, t’es adorable, ouvert, cultivé, voire sensible. Et d’un coup, paf, une chute dans la bêtise la plus crasse, la plus imbécile, comme si tu traversais un trou d’air. T’es finalement semblable aux autres. Aussi con. Et les autres au moins ont parfois l’excuse de ne pas être des professeurs d’université, de supposés hommes de savoir, éclairés. »

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(Photo : Coumba Sylla)

(Mohamed Mbougar Sarr, « De purs hommes »)

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Comment transmettre la passion pour les lettres d’ici et d’ailleurs ?

« Je me suis souvent interrogé si l’enseignement actuel des lettres étrangères en général, françaises en particulier, dans nos universités était une bonne idée. Nous peinions déjà à susciter l’intérêt des étudiants pour nos propres écrivains, supposés avoir parlé de notre société, de ses aspirations, de ses angoisses, de sa nature profonde. Alors, vouloir leur transmettre la passion pour une littérature d’un autre pays, issue d’un siècle passé, écrite dans une langue illisible même pour la plupart des Français d’aujourd’hui… Plutôt apprendre aux morts à ressusciter. »

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(Photo : Coumba Sylla)

(Mohamed Mbougar Sarr, « De purs hommes »)

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L’humanité, « notre seule vraie famille »

« L’énergie qu’ils avaient mise à creuser était aussi celle de leur lutte contre la honte suprême : la peur de ne plus appartenir à l’humanité, la peur tout humaine de n’être plus admis comme homme au sein des hommes. Je peux les comprendre, et comment ! Tout le monde devrait le comprendre. Nous sommes souvent durs envers l’humanité, sa bêtise, ses fautes et sa laideur, mais nous n’avons qu’elle. Elle est notre seule vraie famille, notre unique refuge contre notre solitude. Oui, nous sommes fondamentalement seuls et, sans la communauté de solitudes que forme et nous offre l’humanité, aucun de nous ne tiendrait un round face à lui-même. »

(Mohamed Mbougar Sarr, « De purs hommes »)

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« Transformer son propre chagrin en un moyen de connaissance »

« Faire le deuil de quelqu’un n’est pas se morfondre dans un chagrin stérile, autotélique ; non : faire le deuil de quelqu’un, c’est tenter de transformer son propre chagrin en un moyen de connaissance, en une voie pour reconstruire en nous le monde du défunt, le rebâtir comme un temple ou un palais, et en arpenter ensuite les couloirs perdus, les passages dérobés, les pièces secrètes, pour y découvrir des vérités auxquelles nous étions aveugle[s] lorsqu’il vivait. »

(Mohamed Mbougar Sarr, « De purs hommes »)

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(Photo : Coumba Sylla)

Irrésistible « attraction de l’abîme »

« Les satisfactions que l’on tire d’une existence laborieuse, aisée et tranquille sont grandes, certes, mais l’attraction de l’abîme est encore supérieure. »

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(Photo : Coumba Sylla)

(Dino Buzzati, « Le K »)

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« Vous m’avez tué ! »

– Mais ?… mais ?… Sur le journal d’aujourd’hui… en troisième page… Il y a l’annonce de ma mort…

– De votre mort ? Eh ! eh ! effectivement une petite erreur s’est glissée… une légère divergence…

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(Photo : Coumba Sylla)

– Divergence ? Vous m’avez tué, voilà ce que vous m’avez fait ! C’est monstrueux !

– Oui, oui, il se peut… je dirais que… heu… le contexte de l’information a… heu… un peu dépassé nos intentions… D’autre part, j’espère que vous avez su apprécier à sa juste valeur l’hommage que mon journal a rendu à votre art ?

– Bel hommage ! Vous m’avez ruiné !

– Hem ! je ne nie pas qu’une légère erreur se soit glissée dans…

– Comment ! vous dites que je suis mort alors que je suis vivant ?… Et vous appelez ça une erreur ?

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(Photo : Coumba Sylla)

(Dino Buzzati, « Le défunt par erreur » dans « Le K »)

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Heureuse, « comme toutes les heures de jeunesse »

« La journée avait été mémorable et heureuse : comme toutes les grandes heures faites d’espoir, d’attente de choses belles sur le point de se produire mais qui ne sont pas encore : comme toutes les heures de jeunesse. »

(Dino Buzzati, « La création » dans « Le K »)

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« Là où la solitude des coeurs est la plus grande »

« Un religieux du nom de Célestin s’était fait ermite et était allé vivre au coeur de la métropole, là où la solitude des coeurs est la plus grande et la tentation de Dieu la plus forte. Car si la force des déserts de l’Orient faits de pierre, de sable et de soleil, où l’homme le plus obtus arrive à prendre conscience de sa propre petitesse devant la grandeur de la création et les abîmes de l’éternité, est merveilleuse, plus puissant encore est le désert des villes fait de multitudes, de vacarmes, de routes, d’asphalte, de lumières électriques et de pendules qui marchent toutes ensemble et prononcent toutes au même instant la même condamnation. »

(Dino Buzzati, « L’humilité » dans « Le K »)

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Infinie miséricorde divine

« Bien qu’aujourd’hui on recoure immodérément à la miséricorde de Dieu, elle est toujours aussi grande (…) ».

(Dino Buzzati, « L’humilité » dans « Le K »)

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« L’heure rare et merveilleuse de la victoire »

« C’était une merveilleuse matinée ensoleillée, c’était un crépuscule orageux, c’était une tiède nuit éclairée par la lune, c’était un glacial après-midi de tempête, c’était une aube de cristal très pure, c’était seulement l’heure rare et merveilleuse de la victoire que peu d’hommes connaissent. »

(Dino Buzzati, « Et si ? » dans « Le K »)

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(Photo : Coumba Sylla)

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(🙏 @ Felwine & Hady.)

Coumba Sylla

@ Dakar

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A toutes fins utiles…

« Ndéné, le martyre du mâle », chronique de l’écrivain Elgas (« Encrages ») dans le journal Le Quotidien du 25 avril 2018.

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(Le Quotidien, Sénégal, 25 avril 2018 – capture)

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Choses revues, blog de Mohamed Mbougar Sarr.

Dino Buzzati par le site littéraire aLalettre.

C.S.

Un commentaire sur “Lectures du vendredi 1er juin 2018 : Mohamed Mbougar Sarr, Dino Buzzati

  1. Le K, lu par ma sœur à 10 ans. Je me rappelle que ce livre l’avait rendue presque folle…clairement envoûtée en tout cas, elle ne parlait que du K. C’est un souvenir dérangeant que j’en garde. Je ne l’ai pas lu mais elle me le racontait par le menu et cela me causait un malaise que je ressens jusqu’à ce jour. Le K me troublera pour la vie.

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