Lecture du vendredi 25 janvier 2019 : Charlotte Perkins Gilman

Version originale publiée en 1915 en feuilleton, en 1979 en livre.

Traduction : Yolaine Destremau, Olivier Postel-Vinay. Préface : Olivier Postel-Vinay.

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)
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(Photo : Coumba Sylla)

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Extraits

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

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Féminisme « novateur » et « relents d’archaïsme »

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

« Ici, le féminisme de Gilman, si novateur à bien des égards, rejoint les idées de son temps sur l’eugénisme et même le racisme. Au cours de leurs deux mille ans d’histoire, les femmes de Herland, qui sont de souche +aryenne+, ont non seulement su régler leurs problèmes de surpopulation en contrôlant les naissances, mais aussi écarter peu à peu des fonctions reproductrices les filles qui paraissent moins aptes, physiquement et psychologiquement. Il en résulte une population homogène de femmes athlétiques, intelligentes et sereines, toutes tournées vers la production d’enfants garantissant la promesse d’un progrès indéfini fondé sur l’innovation. Dans +With Her in Ourland (Avec elle dans Notrepays)+, qui est la suite de +Herland+, Charlotte Gilman va plus loin, soutenant la nécessité de séparer les races en fonction de leur degré de développement culturel. Ce faisant, elle était une digne représentante du féminisme de la +première vague+ qui, aux Etats-Unis, était imprégné, jusque dans son programme, du racisme ordinaire de l’époque.

Ces relents d’archaïsme ne doivent cependant pas oblitérer le caractère souvent très moderne et parfois prémonitoire de sa réflexion. Utopie féministe frisant avec une forme de protofascisme, +Herland+ est en effet aussi un manifeste en faveur de la permaculture, du végétarisme, du recyclage généralisé, de l’éducation alternative, de l’intelligence collective et de la pensée complexe. Détail intéressant, Gilman récusait pour elle-même l’adjectif +féministe+. Elle lui préférait le mot +humaniste+, de portée beaucoup plus large. »

(Olivier Postel-Vinay, préface à « Herland »)

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« Ce que pouvait être un pays sans hommes »

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

« … elles étaient drôles, ces idées très claires que nous avions sur ce que pouvait être un pays sans hommes, à la lumière de notre savoir. (…)

+Elles se battront entre elles, disait Terry. Les femmes le font toujours. Ne nous attendons pas à la moindre loi ou organisation.

– Tu te trompes complètement, répondit Jeff. Ce sera comme un couvent avec une mère abbesse – une sororité paisible et harmonieuse.+

Je rétorquai cette idée grotesque :

+Des religieuses, tu parles ! Tes paisibles soeurs étaient toutes des célibataires, Jeff, et elles avaient fait vœu d’obéissance. Celles-ci sont juste des femmes et des mères, et quand il y a maternité, on ne trouve pas de sororité ou très peu.

– Non, monsieur, elles se battent entre elles, acquiesça Terry. Et nous ne devons pas nous attendre à quelque invention ou progrès. Tout cela va être très primitif. (…)+ »

(Charlotte Perkins Gilman, « Herland »)

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Les femmes dans l’esprit de la plupart des hommes : « jeunes et charmantes »

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

« Au fil de nos conciliabules et de nos spéculations, nous avions imaginé, sans même y penser, ni le formuler, que les femmes de ce pays seraient jeunes. La plupart des hommes sont ainsi faits que dans leur esprit, les femmes sont jeunes et charmantes. Quand elles vieillissent, elles doivent quitter la scène en quelque sorte pour se mettre en retrait. Mais ces dames-là étaient bien SUR scène, et pourtant elles auraient pu être grands-mères. Nous cherchions chez elles un signe de nervosité – il n’y en avait aucun. Un signe de peur, peut-être – aucun non plus. Pas le moindre signe d’inquiétude, de curiosité et d’excitation.

Tout ce que nous voyions était une assemblée de créatures, championnes de l’autodéfense, d’un calme extrême, et qui sans aucun doute étaient sur le point de nous demander des comptes quant à notre présence ici. »

(Charlotte Perkins Gilman, « Herland »)

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« Un élément mineur »

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

« Elles n’ont pas l’air de se rendre compte que nous sommes des hommes, poursuivit-il. Elles nous traitent, eh bien, comme elles se traitent entre elles. C’est comme si le fait d’être un homme leur semblait un élément mineur. »

(Charlotte Perkins Gilman, « Herland »)

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Une conviction absurde

(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

« +Si seulement leurs cheveux étaient longs, se lamentait Jeff. Elles seraient tellement plus féminines.+

Pour ma part, j’aimais bien ce style auquel j’avais fini par m’habituer – après quelques réticences, dois-je avouer. Pourquoi nous admirons tant la chevelure d’une femme et pas la natte d’un Chinois est un mystère, sauf à l’expliquer par le fait que nous sommes convaincus que les cheveux longs +appartiennent+ à la femme. C’est absurde quand on y pense. La crinière est l’apanage du cheval autant que de la jument. »

(Charlotte Perkins Gilman, « Herland »)

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(Photo : Coumba Sylla)
(Photo : Coumba Sylla)

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A toutes fins utiles…

√ Des e-books en anglais de Charlotte Perkins Gilman sont disponibles en téléchargement sur le site du Projet Gutenberg (Project Gutenberg), incluant « Herland » et « The Yellow Wallpaper ».

√ Dossier « Femmes et pouvoir » dans le magazine Books de mai-juin 2018 (numéro 89), en accès payant. L’éditorial, signé par Olivier Postel-Vinay, est en accès libre.

Coumba Sylla

@ Dakar

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