DAKAR – « Chez les fous » est un livre d’Albert Londres que j’ai lu, relu, re-relu, re-re-relu…

Il s’est « manifesté » à moi à deux reprises ce mercredi soir, 28 février 2018, en l’espace de quelques heures.
« Fol amour » à Coubanao
D’abord dans une discussion en famille (j’ai plusieurs défauts, dont celui de profiter de chaque occasion pour parler de livres, et dans ce défaut, le sous-défaut de saisir chaque brèche pour imposer une lecture à de jeunes journalistes. Ce fut le cas de cet ouvrage, il y a quelques mois).
Ensuite pendant ce qui est devenu ma « traditionnelle » routine de lecture du mercredi, la chronique du journaliste et écrivain sénégalais Elgas dans Le Quotidien. Sa plume m’émerveille. Il a signé cette semaine « Le retour à Coubanao – Fol amour ».

Revenons (à) « Chez les fous » (je vous rassure : je ne suis pas partie pour vous faire une fiche de lecture…).
Il était une fois Albert Londres qui décide d’écrire sur la vie des fous. « Secret professionnel », lui dit-on dans l’administration gérant ces questions. Des ministres sollicités refusent de l’aider, l’un d’eux lui demande de soumettre ses articles à la censure (ce qu’il refuse), un préfet lui promet l’accès seulement aux cuisines et au garde-manger de l’asile, des « médecins aliénistes » lui ferment la porte au nez…
« Toujours plus fou que soi »
Il entreprend de se faire interner. Première tentative : il tombe sur un médecin qu’il connaît et qui le prie d’aller se « faire enfermer ailleurs ». Il y va. A Sainte-Anne, « pavillon de prophylaxie mentale, docteur [Edouard] Toulouse. » C’est un « service ouvert », accueillant des malades non internés.
« Levé avant le jour, je n’étais arrivé que le cinquième. On trouve toujours plus fou que soi. »
« C’était raté »
Consultation. Son tour arrive.« Les maîtres médecins me palpèrent doucement.
Ils regardèrent mes prunelles jusqu’en ses profondeurs les plus reculées. Avec un petit marteau, mignon comme un bijou, ils me frappèrent sur le genou. Enfin, ils me dirent :
– Vous ? Malade ? Etes-vous fou ?
– Parfaitement !
– Nous voulons dire : vous êtes fou de vous croire fou. Ou peut-être vous payez-vous notre figure ?
C’était raté. Il faudra trouver un autre truc. Le mieux sera, je crois, de faire un peu moins le fou et un peu plus le journaliste. »

Ce qu’il a fait.
Résultat : « Chez les fous » est publié en 1925, il est aujourd’hui dans le domaine public. Il est en accès libre sur plusieurs sites dont Gallica (PDF ici) et Ebooks Gratuits (PDF ici ; ePUB ici) ; des versions payantes existent sur d’autres, comme Les Editions de Londres.

Coumba Sylla
A toutes fins utiles
- « +Chez les fous+, hommage à Albert Londres » par Denis Poizat dans la revue « Reliance » numéro 19 (2006/1).
« Londres est fulgurant, délesté des pesanteurs dialectiques, il n’aime rien moins que travailler le verbe comme de l’acier, filer l’enquête lorsqu’elle écorne la face d’un monde trop lisse qu’il examine sans cesse. »
« Le livre [+Chez les fous+] suscite d’immenses remous souterrains dans les milieux de la santé publique, dans l’administration, et jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Il [Albert Londres] n’en a cure. Son enquête, avoue-t-il, fut des plus difficiles à conduire. »
« On ne sait, en relisant Londres, s’il reste encore des plumes aussi acérées. On se doute que subsistent encore des scandales. S’ils ont moins d’ampleur, leur dénonciation en est rendue plus difficile, tout aussi exigeante, pas moins nécessaire. »
- N’hésitez pas à suivre Elgas sur Twitter. (Où je découvre qu’il a partagé ceci, sur Albert Londres, le 27 février 2018. Elle est folle, cette coïncidence…)
C.S.