- « Il faut assassiner la peinture » (recueil de nouvelles) de Youssef Ouahboun, Editions Aïni Bennaï, 2004 (collection Fictions).
Ouahboun est également peintre. L’illustration de la couverture de « Il faut assassiner la peinture » est une de ses oeuvres, « L’Obstacle ».


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- Bande dessinée « Jack London – Arriver à bon port ou sombrer en essayant » par Koza, Editions Le Lombard, 2017.
Koza est le pseudonyme de Maximilien Le Roy.


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EXTRAITS

« Etre le cri »
« J’aime à la folie les peintures de [Francis] Bacon. (…) Cette douleur qui dévore les entrailles de l’homme abandonné au spectacle de sa tragique nudité, c’est ma propre douleur. L’homme seul, écrasé par l’angoisse, jusqu’à l’effritement. L’homme qui, fatigué d’avoir erré dans le néant, s’enferme pour regarder se tordre son corps. Mais ce que j’aime peut-être le plus dans les images cruelles, c’est la manière dont est peint le cri. Le cri me paraît plus peint que la bouche. La peinture elle-même est un cri, un geste révolté, suicidaire, contre une force noire et innommable. Le cri de l’artiste en conflit avec sa création. J’aimerais bien pénétrer dans ces toiles et devenir moi-même la voix de ces cris, être le cri. Ce cri qu’on voit sans l’entendre, mais rendu plus puissant par le silence de la peinture. »
(Youssef Ouahboun « Le mur » dans « Il faut assassiner la peinture »)

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« Misère intérieure »
« J’ai peur de finir comme Soren Olsen, dans l’errance et l’alcool. Olsen a au moins de l’argent pour errer. Moi, je n’ai qu’un médiocre salaire. Heureusement peut-être. Dans la misère intérieure, l’argent n’est que le garant d’une autodestruction plus acharnée, insatiable. »
(Youssef Ouahboun, « Le mur » dans « Il faut assassiner la peinture »)

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Le droit de peindre ce qu’on aime
– M. Larbi Gharib, cette toile doit absolument disparaître de cette salle. Vous ne voyez pas qu’elle attire trop l’attention ?
– Mais, excusez-moi, monsieur…
-Vous êtes musulman, n’est-ce pas ? Qu’avez-vous à faire avec le Christ ?
– Excusez-moi, monsieur, la présence de ce tableau se détache de toute anecdote touchant à la religion. Cette toile est un souvenir personnel d’un tableau que j’aime beaucoup, qui est de l’oeuvre d’un artiste que j’aime beaucoup. Il est vrai que je ne me suis jamais demandé si j’avais le droit d’aimer cet artiste ni son tableau. Mais il me semble que rien ne devrait m’empêcher de peindre le Christ.
(Youssef Ouahboun, « Le Christ noir » dans « Il faut assassiner la peinture »)

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« On peint avec des formes et des couleurs, non avec des idées. »
(Youssef Ouahboun, « Le Christ noir » dans « Il faut assassiner la peinture »)

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« Lis quand même, copain »
– Dis, d’où tu connais tout ça, toi ?
– Karl Marx. T’as déjà entendu parler de ce gars ?
– Jamais.
– Lis-le. Parfois, c’est un peu dur si t’as pas fait l’école, mais lis quand même, copain.
(Koza, « Jack London »)

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« C’est écrit »
– Monsieur London, vous êtes mort !
– Pas encore, cher ami, pas encore.
– C’est écrit là !
– En effet…
(Koza, « Jack London »)

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« Réveillez-vous ! »
« Je vois les étudiants endormis devant les épouvantables faits de pauvreté, endormis devant la plus grande révolution que le monde ait connue ! Je vous le dis : dans la pleine gloire de la vie, voici une cause qui appelle toute l’aventure qui en vous ! REVEILLEZ-VOUS ! »
(Koza, « Jack London »)


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« Attaque contre la bourgeoisie »
– Je dois écrire tous les jours pour couvrir nos dépenses. Je viens de finir un roman qui est une attaque contre la bourgeoisie.
– Quel est le titre ?
– Martin Eden.
– Vous n’allez donc pas vous faire de nouveaux amis !
(Koza, « Jack London »)

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A toutes fins utiles
* « Jack London : profession écrivain » : TV5Monde, 7 février 2016 (texte mis à jour le 8 février 2016).
« L’exploitation du scandale, bannie de la presse quotidienne réapparaît par endroits dans les magazines. La note dominante, c’est d’être populaire. La publicité fait rentrer l’argent, le tirage amène la publicité ; le magazine amène le tirage (…) si bien que le rédacteur en chef imprime dans les pages de son magazine ce qu’un grand nombre de gens ont envie de lire. Il n’imprime pas ce qu’ils devraient lire, car sa fonction consiste à être complice et non éducateur. Attitude bassement commerciale. »
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* « Jack London, le masque de la plume » : Libération, 16 novembre 2016.
« (…) Voir l’aventurier avant l’écrivain, c’est oublier l’implacable discipline que s’inflige ce prolétaire de la plume. London a passé son enfance en lisant, à la lumière mourante d’une chandelle, des classiques empruntés à la bibliothèque de la ville. Dès l’âge de 16 ans, il s’essaie à l’écriture. Il analyse sans relâche le style des grands écrivains, la construction des phrases, le vocabulaire et les images. Il lit frénétiquement les traités du style et les nouvelles des revues qu’il a prises pour cible. Avant d’être publié, il aura noirci des rames entières de papier, envoyé des milliers de lettres dans tout le pays, scruté chaque réponse pour y chercher un conseil, une indication, une orientation. Chaque jour de sa vie, dans sa ferme de Glen Ellen, dans les wagons du trimard, les soutes d’un cargo ou la cabine du Snark, il écrit mille mots, jamais plus, jamais moins. (…) Il a couru le monde en quête d’aventure. Mais l’aventure ultime de ce voyou de la littérature, ce ne sont pas les bas-fonds de Londres, les vallées du Klondike, les îles du Pacifique, les plaines de Californie ou les criques de la baie de San Francisco. Ce sont les livres. »
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* « Les conseils cyniques de Jack London aux écrivains » : Books, 21 novembre 2016.
« Ainsi donc, deux chemins mènent au succès : en écrivant un livre à succès ou populaire, ou grâce à un excellent travail de magazine. L’un est plus brillant ; l’autre plus sûr. Certains sont plus doués pour le premier, d’autres pour le second. Une minorité de favorisés est capable de réussir l’un aussi bien que l’autre. Mais il n’est permis à personne de se classer avant d’avoir essayé. Oui, avant d’avoir essayé, essayé, un grand nombre de fois. Il ne suffit pas de le demander pour être couronné de lauriers et la terre n’est un héritage pour personne sauf pour les fils du labeur. »

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Coumba Sylla