- « Le temps de Tamango » suivi de « Thiaroye, terre rouge », de Boubacar Boris Diop, Editions L’Harmattan, collection Encres noires, 1981. Préface de Mongo Beti.



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Dédicace de l’auteur

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Extraits d’autres livres de Boubacar Boris Diop :
→ « Le Cavalier et son ombre » ici ;
→ « Murambi, le livre des ossements » ici.
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Extraits

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Problèmes cruciaux « mais aussi d’une brûlante actualité »

« Voici un roman dont la lecture ne laissera personne indifférent. (…)
C’est que les problèmes soulevés par l’auteur, plus ou moins explicitement, directement ou obliquement, sont non seulement cruciaux, mais aussi d’une actualité brûlante. Pourquoi la décolonisation a-t-elle été un échec dans la portion de l’Afrique marquée par la colonisation française ? Pourquoi vingt ans après 1960, l’année prétendue de l’Afrique, sommes-nous toujours, nous autres ‘francophones’, soumis à une colonisation qui ne se donne même pas la peine de dissimuler ses desseins et ses méthodes ? Comment faire pour nous émanciper définitivement, à l’instar des peuples frères du continent noir ? L’âge d’or est-il donc pour demain ? »
(Mongo Beti, préface du livre « Le temps de Tamango » de Boubacar Boris Diop)
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« Nous remodeler à sa guise »

« L’auteur va peut-être encore plus loin que ‘l’engagement’ de ses aînés, en posant les questions en des termes dont la hardiesse n’avait pas été assumée avant lui. Certes, beaucoup de peuples ont été colonisés, et même, à la limite, tous les peuples ont été colonisés à un moment de leur histoire. Pourtant aucun peuple n’avait jamais sans doute été conquis, occupé ou dominé aussi profondément, aussi mystérieusement que nous l’avons été et le sommes toujours d’ailleurs à tous égards par l’économie française, la culture française, l’armée française, la diplomatie française, la presse française, l’opinion publique française, l’ethnologie française, l’universalité française…
Jusqu’à quels insondables abîmes la domination française a-t-elle réussi à se frayer la voie au tréfonds de nos âmes ? Jusqu’à quel point nous a-t-elle détraqués en tentant de nous remodeler à sa guise ? »
(Mongo Beti, préface du livre « Le temps de Tamango » de Boubacar Boris Diop)
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« Ils sont vraiment sans âme », ces Ministres

« Il [le Président] disait souvent : ce masque est le symbole de la Beauté du Bien. Dans les moments difficiles, il se laissait absorber par la contemplation de ce visage d’or dont le poli lui faisait penser à un sage d’Orient. Souvent en proie au doute et à de puissantes angoisses, il y puisait la force de croire à son génie et à sa mission si injustement décriés par une bande de galopins mal éduqués. Les flatteurs avaient le don de le faire rager. Sur leurs faces où s’efforçait de luire une vénération sans bornes, il lisait la peur de tomber en disgrâce, l’étrange peur de ne plus être Ministre. ‘Mais j’ai besoin d’eux, de leur médiocrité. Ce sont mes otages, et je suis le leur.’ Ils étaient tous là, rangés autour de la grande table ovale du Conseil, silencieux, recueillis, attendant une phrase de lui. ‘Sans âme. Ils sont vraiment sans âme. Ils me laisseraient faire n’importe quoi pour conserver leurs privilèges. Et pourtant toutes les sales rumeurs qui circulent sur moi dans le pays, ça vient d’abord d’eux.’«
(Boubacar Boris Diop, « Le temps de Tamango »)
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« Trop simple pour ne pas être un peu plus compliqué »

« Sans savoir pourquoi, le Président fit soudain volte-face et s’écria : ‘Nous sommes des Négro-Africains, Messieurs !’. Puis il leva les bras au ciel, comme désolé. Les Ministres s’interrogèrent du regard en silence. Ce que le vieux avait dit là était trop simple pour ne pas être un peu plus compliqué. »
(Boubacar Boris Diop, « Le temps de Tamango »)
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« Un joli tableau familial » qui n’existe pas

« François et Fabienne Navarro prirent le bateau à Marseille par un temps sinistre. Une fois de plus, ils regrettèrent de ne pas avoir d’enfants : ça aurait fait un joli tableau familial. C’était un sujet inépuisable de querelles entre Fabienne et lui. Les femmes ! Comme si lui, Navarro, pouvait faire autre chose que de lui rentrer dedans avant de s’endormir ! Il ne pouvait tout de même pas lui extraire un bébé des côtes, ce n’était pas Dieu le Père, lui ! »
(Boubacar Boris Diop, « Le temps de Tamango »)
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« Comme l’intensité de la vie brille dans le regard… »

« Les policiers ont calmement attendu dans les beaux quartiers. Mamba est entré le premier dans la zone interdite. Le brigadier Gaye, un jeune policier plein d’avenir, juché sur le toit de la Pharmacie du Centre, l’a alors froidement descendu. Les ordres. Puis cela a continué. Le sifflement des balles se mêle aux cris de terreur. Les mourants sont piétinés. N’Dongo voit partout du sang. Il pense : ‘Comme l’intensité de la vie brille dans le regard de ceux qui croient côtoyer la mort’… »
(Boubacar Boris Diop, « Le temps de Tamango »)
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« Ces exigences d’enfant gâté du lecteur »

« Dans un certain sens, nos concitoyens ont raison : après tant de bouleversements sanglants, il leur faut la paix, l’oubli et des récits édifiants. C’est pourquoi ils raffolent des histoires plates, calmes, claires où les méchants sont punis et les héros récompensés, où tout leur est gentiment expliqué. Sans vouloir me mêler de ce qui ne me regarde pas, j’estime que ces exigences d’enfant gâté du lecteur encouragent la prolifération d’une littérature de très médiocre qualité. Mais évidemment, ça, c’est une autre histoire. »
(Boubacar Boris Diop, « Le temps de Tamango »)
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« La nuit ne suffira pas »

– Nous avons tellement de choses à nous dire, hein !
– Je suis là pour toute la nuit.
– La nuit ne suffira pas.
– Bien sûr. Mais nous allons essayer.
(Boubacar Boris Diop, « Le temps de Tamango »)
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Coumba Sylla
@ Dakar