DAKAR, 9 février 2020 –
« L’heure tourne. Elle ne se fatigue jamais. »
(Franz Bartelt, « Le jour est toujours à l’heure » dans « Petit éloge de la vie de tous les jours », Editions Gallimard, 2009 / 2018 pour la version électronique)
– Oh, zut, le 31 est passé !
– Le 31 ? Nous sommes le 9. Et il n’y a pas de 31, en février. Ni de 30. Et le 29 tous les quatre ans seulement. Tout va bien ?
– Je voulais dire le 31 décembre 2019.
– Ah oui, ça, un peu, qu’il est passé. Nous bouclons la sixième semaine de 2020.
Le 31 décembre, c’était ma date limite – ma « deadline » en bon jargon d’entreprise – pour l’envoi de mon message de voeux de Nouvel An. Mais voilà que…

… le dernier mois de l’année dernière est passé,
… « le mois des (fausses) bonnes résolutions » aussi.
« Le mois des (fausses) bonnes résolutions », c’est ainsi que l’illustratrice et auteure de bande dessinée française Mathou Virfollet résume le mois de janvier. Et c’est à cette artiste basée à Angers, découverte grâce à une soeur exceptionnelle, Kiné Fatim (j’ai la chance d’avoir des soeurs top. Et Kiné Fatim, alors, elle !), que j’ai emprunté le titre de cette chronique.
« En 2020, tout va bien ! (Ou presque…) », c’est ainsi que s’intitule son « Joyeux journal » de cette année…

… un bel ouvrage (un « agenda-livre-cahier », comme écrit l’auteure elle-même), inspiré et drôle, de la trempe des agendas du journal satirique ivoirien Gbich!…

… dont on se délecte à tourner les pages, en souhaitant à la fois que les jours s’égrènent vite, pour connaître toutes les caricatures et truculences de l’année comme on le ferait d’un livre qui happe dès la première ligne entamée, et que chaque jour dure longtemps, longtemps, pour en savourer chaque minute de rire, chaque seconde de sourire, chaque tierce de pensée légère.

« Le rire nous sauve ; voir l’autre côté des choses, le côté surréel, amusant, ou parvenir à l’imaginer, nous empêche de nous briser, d’être emportés comme des fétus, nous aide à réussir à passer la nuit, même lorsqu’elle paraît longue. »
(Roberto Benigni, dans Sélection Reader’s Digest de juillet-août 2017)
Pour oublier que, en dépit de nos « (fausses) bonnes résolutions » de rester positif et de se promener avec, en bandoulière, des tranches de la joie inestimable ressentie à l’annonce d’une nouvelle inespérée – bref, en dépit de nos efforts de prendre la vie du bon côté -, le quotidien nous traque/rattrape avec sa massue de contre-temps, problèmes à gérer, drames et douleurs incommensurables.
Parce que, quoi qu’on décide, on n’y échappe pas. Parce que ce n’est pas de notre ressort, de retenir parmi nous les gens qu’on aime : des amis, une soeur, une mère… Toute personne qui, sans vous connaître, vous ouvre son cœur et vous y offre une place privilégiée, qui fait oublier les morsures de pertes antérieures, de l’exil ou d’autres déchirures intimes. Comme Fatou Camara Diop, ma mère sénégalaise. Rassembleuse comme pas deux, généreuse de la Terre au ciel (en allers-retours infinis) et élégante dedans comme dehors. La meilleure amie de Pa’ Kader Diop et son épouse depuis près de cinquante ans. Sois toujours en paix là-bas, Yaye Fatou…

Dans ces circonstances, il arrive qu’on soit moins bavard, complètement silencieux, invisible (e-invisible).
« Si je me fais sauvage et muette quand je ne suis pas heureuse, c’est que je trouve mes ressources dans le silence et l’insociabilité. »
(Colette, « Lettres au Petit Corsaire », 1963)
[Ce disant, merci à ceux qui m’ont écrit, par différents canaux, ou appelée, s’inquiétant (de moi), en raison de l’absence de mon message de voeux. Ce qui m’a permis de découvrir que j’ai plus de « fans » (!) que de doigts sur une main. Que mes divagations livresques – de la BD aux œuvres classiques – ou musicales sont, quelque part appréciées. (Iyé ! 😊 & *joues qui chauffent*)]
Mais j’en viens au fait, puisque l’heure tourne.
« C’est fou le nombre d’heures où il y a quelque chose à faire et le nombre de choses à faire qui ne se font qu’à une certaine heure. »
(Franz Bartelt, ibidem)
Je vous souhaite une belle année 2020, en dépit des problèmes et des drames.
Qu’en 2020,
tout aille bien ou presque
pour vous,
les vôtres
et tous ceux qui vous sont chers.

San 2020 ni hɛrɛ!
Belle année 2020 !
Happy 2020!

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– Il n’y a pas beaucoup de monde, pour envoyer des voeux de bonne année au-delà du mois de janvier, en général…
– Peut-être. Mais les bons voeux n’ont pas de date de péremption.
– Cela n’est pas faux.
– Il n’y a pas de musique, cette fois ?
– Si, si. Je l’ai gardée pour la fin.
J’ai eu un peu de mal à la choisir. J’ai fait une short-list (*) et puis, comme une évidence, il m’est resté « Diouma », par Fodé Kouyaté (Mali) et Ismaël Lô (Sénégal), figurant sur l’album « An ka wili » de Kouyaté (Syllart Productions, 1992).
A la prochaine !
Coumba Sylla
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(*) Pour ceux que cela intéresse, sur cette short-list, il y avait :
– « Nagharamia », d’AliKiba et de Christian Bella ;
Le premier est tanzanien (Ali Kiba ou Ali Saleh Kiba) et le second est un Congolais. Christian Bella est établi en Tanzanie aux dernières nouvelles. Ce duo AliKiba-Christian Bella est une très belle conjugaison de leurs voix et il contient les envolées des guitares qu’on retrouve dans les productions de l’un et de l’autre mais 1) je n’ai pas une traître idée de ce qu’ils y disent et 2) ils ont tous les deux, à mon grand dam, une fâcheuse propension à suivre la masse de ceux qui laissent montrer dans leurs clips une profusion de popotins (féminins, évidemment, what else ?) et foules-aux-balcons (c’est pour cela que je vous ai mis plus haut un lien audio plutôt que vidéo).
– « Why Not This Sunday », de Nathan East Ruben et Studdard ;
Pourquoi ? Pourquoi pas les voeux ce dimanche ?
– « O koulok », de Majnun (Majnun le fou errant) ;
Je ne vais pas m’étendre ici sur ce Sénégalais d’Orléans, Djibril Sarr de son vrai nom, et son album « Kindépili » (Les Maquis’Arts, 2017) sur lequel figure ce morceau. Cela fait des mois que je me promets d’en faire une « Samedi musique », et encore plus depuis que je l’ai vu en concert à Dakar en novembre 2019. J’y arriverai bien… quand je l’emporterai sur la procrastination !
– « Sabu ye môgôya la » [« Sabu ye mɔgɔya la »] (instrumental), de Modibo « Gaucher » Diabaté ;
En bambara, « sabu » (ou « sababu »), c’est la cause, l’origine, la raison et « mɔgɔya » (ou « maaya »), c’est la qualité/l’état d’humain, l’humanité mais aussi les relations sociales bien « huilées » ou le savoir-vivre… Où il est question de ce qui fonde les relations entre humains.
– Et, enfin, « Diouma », donc, de Fodé Kouyaté et Ismaël Lô.
Le morceau rend hommage à la styliste sénégalaise Diouma Dieng Diakhaté. Mais ce n’est pas pour cela que je l’ai gardé. Je l’ai gardé pour la douce mais agréable mélancolie que m’a procurée l’écoute régulière, ces dernières semaines, de l’album « An ka wili ». Fodé Kouyaté est parti trop tôt – ce chanteur-musicien malien est décédé en 1996. (Saloperie de méningite !)
C’est ma « jeune jeunesse », et l’hommage de Fodé Kouyaté à des pairs artistes d’Afrique de l’Ouest dont l’évocation des noms et les sonorités ont rythmé mon enfance. Pour en citer quelques-uns : Cheick Tidiane Seck, Youssou Ndour, Salif Keïta, Mory Kanté, Jimmy Hyacinthe, Kémo Kouyaté, Alpha Blondy, Kandia Kouyaté, Thione Seck, Baaba Maal, Djeli Mady Kouyaté, Ami Koïta, Aïcha Koné, Tata Bambo, Zani Diabaté, Kanté Manfila.
Et comment échapper à la légèreté qui transparaît dans le clip – où l’on sent que les deux chanteurs ont eu/pris plaisir à partager ces moments, à faire leur travail (comme les films de Quentin Tarantino). Et cela, la Maligalaise que je suis y est très sensible ! (EN PLUS, ça repose des gros plans de secousses fessières !)
C.S.
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– Han ?! Vous encore ici ?
– Non ! N’aie pas peur. On est venus te souhaiter bonne année 2015. Santé, prospérité, beaucoup d’argent pour renouveler tout ce qu’on t’a volé.
– Cette fois, achète un écran plasma.
(Dessin de Fletcho Karamoko dans l’agenda 2016 de Gbich!)
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2 commentaires sur “« En 2020, tout va bien ! (Ou presque…) » / Happy 2020!”